• Sortie du 1er mai : la manif des cyclards

 

Muguet

Une vingtaine de cyclards ont uni leurs forces pour la grande manif du jour. Il faut dire que le Syndicat du Gros Braquet et la Confédération de la Roue Libre avaient réussi à surmonter leurs traditionnelles dissensions. Et c’est tous unis qu’ils ont accompli l’intégralité du parcours prévu. L’idée d’une séparation en deux défilés a bien été esquissée lors de la pause de Vulmont, mais c’est l’esprit de solidarité qui l’a emporté. Au prix de quelques concessions sur le tempo, tous ont pu garder le contact, ou le retrouver sans tarder une fois les obstacles surmontés (il y avait quelques grimpettes au programme). Un premier mai exemplaire, donc, d’autant que les justes revendications du peloton en matière de météo ont été entendues (pas de pluie), de même que celles touchant à la prévention des incidents (pas de crevaison, pas de chute, tout au plus un petit saut de chaîne).

Cette belle unité cyclo-syndicale n’a pas été entamée par le retard du Flingueur de pancartes, grâce au raccourci qui l’a mené directement à Nomeny, ni par l’étrange survenue du Doigteur fou qui nous attendait au coin du champ dans le secteur de Foville. Ce dernier, selon mes informations, n’a pas réussi à accrocher l’arrière-train du peloton, ce qui tendrait à prouver que c’est bien avec les jambes et non avec les doigts qu’on fait avancer la machine. Et que les exercices digitaux les plus experts ne sauraient remplacer les parties assidues de manivelles. On me dit que le Flingueur et le Doigteur ont fini par unir leurs forces à l’arrière, ce qui fait honneur à l’esprit du 1er mai, même si leurs retards respectifs les auront privés, au bout du compte, de la bienfaisante compagnie des pédalistes du 1er mai.

Question : y-avait-il des adeptes de la bicyclette dans la toute première manifestation du 1er mai en France, puisqu’on vivait alors, en 1890, les belles heures de son essor ? Je n’ai pas la réponse. Mais c’est le moment de vous donner des nouvelles des deux cyclistes lorrains de Maurice Barrès, qui en 1889 ont remonté la vallée de la Moselle, de Bussang à Coblence, c’est-à-dire depuis la source du fleuve jusqu’à son confluent du Rhin. C’est bien le moment, puisque la randonnée du jour nous a conduits en Lorraine occupée, occupée entre 1870 et 1918, cela va sans dire.

On avait laissé nos deux pionniers à l’étape de Pont-à-Mousson, si bien que dès le lendemain il leur faut franchir la frontière allemande, au prix de longues formalités. Très patriotes, ils guettent à Metz les signes de « résistance à la germanisation », ils se réjouissent d’entendre parfois parler le français (qu’on n’apprend plus à l’école), spécialement quand ils se mettent en quête d’un mécanicien pour faire réviser leurs vélos. Les étapes suivantes les mènent à Sierck, puis à Trèves en passant par Remich, par de belles routes plates bordées de poiriers et de pommiers, et dans une atmosphère de vacances – d’où cette remarque pleine de bon sens : « A quoi bon pédaler si vite ? ».

A Trèves, ils admirent la « Porta nigra » romaine, tout comme l’ont fait des VVV de ma connaissance qui ont eu le plaisir de déjeuner à ses pieds, en terrasse et au soleil (j’y étais, ce fut un bon moment, comme la randonnée à vélo peut en procurer).

Puis de Trèves à Coblence, nos deux vélocipédistes prennent d’abord le bateau, admirant les châteaux, dissertant sur les ruines, avant d’accomplir les 50 derniers kilomètres en reprenant leurs bicyclettes. Ils notent l’étonnement et le plaisir qu’éprouvent les enfants à découvrir de pareils engins, dotés de « sonnettes d’avertissement ». Mais ils spéculent surtout sur ce qu’ils appellent « la diminution de la France dans la vallée de la Moselle » et appellent de leurs voeux la reprise de Metz et Strasbourg… Ce qui a fini par advenir, mais à quel prix, on nous le rappelle tous les jours en cette année du centenaire de 1914.

Un dernier mot sur la balade du jour : on aura remarqué le retour de Gaby Malto, handicapé du côté de l’épaule, mais pas des gambettes ; la forme déjà excellente retrouvée par Georges le Vénérable ; la touche bleue que Marco Credito avait ajoutée à sa tenue trop noire ; l’absence suspecte du Marcheur de grand chemin (je m’inquiète à nouveau pour son salut, j’ai mes raisons) ; la vélocité de Vélibest, et, ça se confirme, le bon niveau de forme acquis par l’ensemble du peloton. Après ce 1er mai réussi, on va donc vers des lendemains qui chantent, au moins pour ce qui concerne les conditions de vie cyclistes.

Je n’oublie pas de souligner que le vélo-balai du jour, notre Jean-Claude membre du syndicat du Gros Braquet, s’est acquitté de sa tâche aussi bien que ses prédécesseurs. J’avoue que c’est moi, à nouveau et à l’unanimité, qui ait élevé à ce grade envié le titulaire du jour.

Dimanche prochain, c’est la Malzévilloise : hélas, je n’en serai pas, pour cause de petite fête familiale à Bruxelles (deux de mes enfants y vivent et y travaillent). Je délègue donc la tâche du compte rendu, et celle de la nomination du vélo-balai.

Reynald

PS 1 : c’est dans mes chroniques des 17 et 30 mars 2013 que j’avais parlé des cyclistes de Barrès. Vous avez jeté tout cela à la corbeille ? Veinards, vous aurez le plaisir de les retrouver (toutes) sur le nouveau site du club très bientôt. On a été retardé par des problèmes de nom de domaine posés par la FFCT, mais Michel Vélibest est en train de régler l’affaire, et on vous communique la nouvelle adresse du site au plus vite.

PS 2 : les manifestants du 1er mai ont longtemps arboré un triangle rouge, qui représentait cette revendication de base : les trois 8, 8h de travail, 8 heures de sommeil, 8h de loisir. En voici une étonnante représentation :

1ermaiGrandjouan