Que font les cyclistes le dimanche matin quand la pluie les prive de leur dose habituelle d’endorphine ?
Faute de preuves, on peut imaginer divers scénarios. Mais de cela on ne peut douter : ils pestent, tous autant qu’ils sont, ils enragent, ils grognent, ils grommellent… Et ils regardent par la fenêtre, pas moyen de s’en empêcher, c’est maladif, c’est compulsif, c’est cyclo-pathologique ! Et si jamais dehors il ne flotte pas, c’est pire, ils s’en veulent, ils crient à l’injustice, ils voudraient massacrer les imposteurs de Météo-France. C’est sur leur chère bécane qu’ils devraient être à cette heure-ci ! Pire encore, voici un rayon de soleil, le salaud, l’intrus, le couteau dans la plaie. Vite, la pluie, qu’elle revienne, qu’au moins on ne regrette rien, à errer là, dans la maison, comme des âmes en peine !
N’empêche, faut s’occuper, faut penser à autre chose, alors…
On se propose d’aider dans la maison, le ménage, la cuisine, n’importe quoi plutôt que de ruminer… Mais on a si peu l’habitude, on s’y prend mal, on fait les choses de travers, c’est agaçant, on la dérange, la chère, la tendre, qui aime tellement son dimanche matin, ce bon moment de vie à soi, tranquille, quand on peut prendre son temps, rêvasser, écouter des chansons, téléphoner aux amies, il sera toujours temps de lui mijoter un bon petit plat, à mon sportif de mari… Faut se faire une raison, on gêne, on n’est pas le bienvenu, on n’a rien à faire là, un dimanche matin… Dehors !
Autre solution, on se fait tout petit, on s’éclipse, on va bricoler dans le garage, et là, ça ne rate pas, on a beau tenter de ne pas le voir, on ne ne voit que lui… le vélo, le sacro-saint vélo, délaissé, malheureux, pitoyable. Alors, on lui fait un brin de toilette, on le paluche, on le flatte, on le fait reluire… Obsessionnel, on se l’avoue, c’est vraiment obsessionnel. On essaie bien de trouver une diversion, un truc à réparer, un coup de peinture à donner, mais il ne cesse pas d’être là, de trôner, de réclamer des soins, le bien-aimé, l’adorable, l’insurpassable VELO !
Et si on promenait le chien ? Mais oui, promenons le chien ! Sauf que le cher toutou, la pluie, il n’aime pas beaucoup, il ne se prive pas de le faire savoir, il tire sur sa laisse comme un dément, il repart en arrière, il hurle, il crotte partout, il agresse tout ce qui bouge, il mord un enfant, il bouffe un pigeon, il perd la boule… « Cave canem », Gaby vous l’avait bien dit. On aurait fait mieux de caresser le chat en regardant la télé. Mais le chat, il a aussi ses habitudes du dimanche matin, il ne voit pas pourquoi il se laisserait tripoter par un énergumène qui craint la pluie, il n’a pas envie de ronronner, lui, il sort ses griffes, il se plaint, il se réfugie dans les bras de sa maîtresse… ça crève les yeux, vous n’avez rien à faire là. Dehors !
Alors, vous allez au bistrot, vous vous enfilez canon sur canon, vous dépensez un fric fou en billets de loto, vous vous faites jeter dehors, vous glissez sur un étron canin, vous roulez dans le caniveau, personne ne prête attention à vous, vous levez la tête péniblement, vous apercevez des roues de vélo qui passent sous votre nez, indifférentes, scintillantes sous le soleil revenu, vous entendez des voix, il est question de la Malzévilloise… Un cauchemar !
Vous jurez qu’on ne vous y reprendra plus, vous avez compris le message : un dimanche matin sans vélo, c’est l’enfer. Le vélo du dimanche matin, c’est sacré. Par n’importe quel temps.
Reynald
PS : si certains d’entre vous ont tout de même participé à la randonnée de Malzéville, qu’ils me le disent, je leur rendrai justice.