Pas que Pâques (21 avril)

Le lieu de départ du jour ce n’était pas Kinepolis, mais la porte Désilles : je suis allé de l’un à l’autre, un bon échauffement. J’ai rejoint de justesse la douzaine de pédaleurs qui vont d’abord s’ébrouer avec ardeur dans le grand froid de la jolie route de Bellefontaine. Ensuite, c’est grand soleil et franche douceur, arbres en fleur et jeu de couleurs. La nature ressuscitée en ce jour de Pâques. 

Le miracle, s’il y en a un, c’est le printemps ; le retour annuel du printemps, qui est un fait concret et non une affaire de croyance. Il est permis de croire, il est aussi permis de voir : de voir et de s’émerveiller. C’est si banal, le printemps, qu’on ne s’en étonne plus. Comme l’on ne s’étonnait plus de la beauté de Notre-Dame ni de celle de la banquise. C’est quand l’une brûle et que l’autre fond, que l’ordinaire redevient merveilleux et que la permanence se révèle fragile.  

De même, la plus banale des sorties à vélo peut être savourée pour ce qu’elle a d’unique. On ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve, on ne roule pas deux fois sur la même route. 


Ce qu’il advint des cyclistes de Pâques ? Bien vite, le peloton menu se scinde en deux petits paquets. Devant, une poignée d’agneaux semblent pressés de dévorer le bitume et les kilomètres. Courent-ils se jeter dans la gueule du loup ? Ils devraient se méfier. Car ce sont bien les agneaux qui sont en ce jour dégustés, comme le veut la tradition du repas pascal. L’agneau étant un symbole d’innocence, c’est l’innocence qu’on s’incorpore en le mangeant … Magie de la croyance, et du sacrifice ! Une magie pas très éloignée de celle qui présidait aux rites primitifs. Alliance du spirituel et de l’archaïque. Ce dont on ne s’étonne plus est pourtant le plus surprenant. 
Je vous rassure, aucun agneau cycliste ne fut sacrifié. Ni à l’avant, je présume, ni à l’arrière, j’en témoigne, où  l’allure modérée a permis aux six brebis non égarées de savourer pleinement la balade, pascale et printanière.

Reynald