• Sortie du 3 juillet : Les carrefours

Le départ dès 7h30 a permis à nouveau d’emprunter des routes plus lointaines, au-delà de Landécourt et de Franconville, dans les marges de la plaine des Vosges. On a pu d’ailleurs en apercevoir la fameuse ligne bleue, et le massif du Donon. Le parcours concocté par Pierre Valois, qui avait inclus malicieusement un petit détour par le village du même nom, était fait de petites routes bien agréables, parfois vallonnées, mais sans grande difficulté. Une vraie réussite.

Tout le monde n’étant pas en vacances, ce sont 18 gros travailleurs du cycle qui ont profité de cette longue et belle sortie, dans l’harmonie la plus totale : sauf erreur de ma part, les 18 sont restés groupés de bout en bout, les uns se permettant tout au plus de ralentir parfois la cadence et de prendre quelques raccourcis, les autres s’arrêtant ou ne s’arrêtant pas lors de la crevaison du jour, ou lors de la perte de quelques éléments. Ce qui prouve simplement qu’il ne faut pas en rester à une conception trop étroite de la notion de groupe… Disons qu’il y a des groupes compacts et des groupes qui le sont moins. Ayons l’esprit large. Et admettons qu’aux carrefours on puisse se tromper de route.

Il est vrai que pour parcourir 120 bornes et se taper 1000 m de dénivelé en respectant les horaires, il ne faut pas trop lambiner. Mais s’obliger à rentrer pour midi lors d’un très estival dimanche de juillet, m’est avis que c’est un peu bêta. Prendre le temps d’apprécier chaque kilomètre parcouru, chaque point de vue sur les champs et les bois, les vaches et les moutons, sur les villages et les églises, ce n’est pas une mauvaise façon de faire du vélo, me semble-t-il (pas comme ces tarés qui nous ont doublé sur la fin, la tête dans le guidon, et qu’on a vu se disloquer un peu plus loin).

Ces jours-ci, plusieurs hommes célèbres ont disparu, Michel Rocard, le cinéaste Michael Cimino, l’humaniste Elie Wiesel. Les médias en parlent d’abondance ; mais, à quelques exceptions près, ils ont souverainement ignoré la mort (à l’âge de 93 ans) de l’un des plus grands poètes français contemporains, Yves Bonnefoy. Comme un clin d’œil, je me permets de recopier ici cette petite réflexion qu’il a proposée sur les carrefours. Vous savez, les carrefours, qui sont une réalité si problématique pour les cyclistes que nous sommes (on va où, tout droit, à gauche, à droite ? T’es sûr, pas de regret ?) :

J’ai souvent éprouvé un sentiment d’inquiétude à des carrefours. Il me semble dans ces moments qu’en ce lieu ou presque : là, à deux pas sur la voie que je n’ai pas prise et dont déjà je m’éloigne, oui, c’est là que s’ouvrait un pays d’essence plus haute, où j’aurais pu aller vivre et que désormais j’ai perdu.