• La disparition du biclou (3 décembre)

Amis du Cycle,
L’écrivain Georges Perec était un homme de défis, de défis littéraires. Entre autres exploits, il a écrit un gros roman de plus de 300 pages intitulé La Disparition : ce qu’il y a fait disparaître en premier lieu c’est la lettre E…
Oui, il a réussi à tenir la distance en se passant de tous les mots qui comportent cette voyelle, la plus fréquente en français, la lettre absolument indispensable !
La preuve : dans les quelques phrases qui précèdent, écrites au fil de la plume, je viens d’utiliser pas moins de 49 fois la lettre E (avec ou sans accents).

Ainsi, si je voulais simplement parler du vélo en évitant cette lettre, mon embarras serait extrême : vélo, bicyclette, petite reine, cadre, tube, dérailleur, valve, pneu, rustine, pompe, développement, vitesse, freins, plateau, couronne, chaîne, essieu, roue, selle, sonnette, garde-boue, casque, cycle, cycliste, pédaler, grimper, monter, descendre, etc., etc. Que d’e, que d’e !

Bien sûr, c’est une raison de plus pour essayer quand même. Et comme le froid de ce matin a contrarié mon apparition lors du RV du dimanche matin, c’est le moment ou jamais d’évoquer (en quelques mots, pour commencer)

La Disparition du biclou

Nous, amis du biclou, aimons plus qu’il faudrait nos compagnons roulants : pas un jour, pas un mois, pas un an, sans nos machins cyclants, sans nos trucs tout guidons, tout pignons, tout rayons, sans tout ça fait pour nous (Randos ou VVV). Biclous jadis lourds, à un pignon (ou trois ou cinq), aujourd’hui sans poids, sans mauvais gras, tout aluminium ou tout carbon. Ainsi, nous avons grand plaisir, ça sourit sous nos panards, ça jouit dans nos cuissards, quand nous voici sprintant, grimpant, moulinant tant, tant… qu’à la fin tout ramollos aboutissons.
Plus nous roulons, tarin au … au quoi ? non pas lui, pas ça, disons : au mistral, au sirocco, au noroît, à l’harmattan, ou au simoun, d’accord… plus nous roulons, donc, plus nous aimons ça, surtout quand nous glissons sur bons billards fort plats, sans grains, sans cahots, sans cailloux ni gravillons.
Alors, quand nos biclous vont disparaissant, froid aidant ou par matin trop chaud, nous n’avons plus qu’à languir, à souffrir, sinon à mourir.
Mon topo va finir là pour aujourd’hui, car suis tout ramolli du cabochon, tout fourbu, plus qu’à biclou, plus qu’à parcourir (pidalant) pays lorrain ou cols voisins, si ardu, si ingrat (mais jouissif) m’apparaît un si tordu travail visant à la disparition non du a, du o, ou du i, mais du plus banal outil dont toujours nous usons, nous plumitifs d’occasion ou purs animaux parlants.

R(e)ynald
PS : Perec a aussi écrit un livre beaucoup plus mince intitulé Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ? Il y est assez peu question de vélo, mais c’est très drôle. Si le froid persiste…